Moussa Mara : « Au Mali, les risques de confrontations entre les communautés devraient être circonscrits. »
Plus d’une année après l’effondrement de l’état malien, Moussa MARA, le Ministre de l’urbanisme du premier gouvernement malien du Président Ibrahim Boubacar Keita dresse un état des lieux et répond aux questions de Sabine Renault-Sablonière.
SIDH France : Comment expliquer la chute si rapide de l’Etat malien en 2012 ?
Moussa Mara : Les institutions se sont effondrées rapidement parce que la plupart d’entre elles avaient perdu leur substance depuis longtemps. Cet effritement lent a été révélé au monde par un choc externe et inattendu, c’est ce qui a pu choquer. Quand l’autorité de l’Etat n’est plus que symbolique, quand le leadership politique est décrié, quand la structure administrative illustre l’injustice et l’iniquité, quand les tenants du pouvoir et de l’autorité sont rejetés en raison de leur incapacité à satisfaire les besoins élémentaires des populations, une cassure progressive se fait jour entre le pays officiel et le pays réel, entre la base et le sommet. C’est cette cassure qui a accélère la décomposition de l’Etat malien, tombé comme un fruit mur à la suite de la secousse venant du Nord.
Mais qu’on ne se dissimule pas la face, plusieurs autres pays africains présentent la même cassure !
Quel est l’état des forces en présence, aujourd’hui, au Mali ?
M. M. : Le pays sort péniblement de l’état de choc de l’année dernière. Il a porté massivement son choix sur un homme qui apparaît parmi tous comme le plus nationaliste, celui qui a le plus de poigne et d’autorité, le moins impliqué dans les compromissions du passé pour avoir des chances de le sortir des difficultés actuelles. Il vient de lui donner une majorité claire à l’Assemblée nationale lui permettant d’avoir les coudées franches pour conduire le Mali vers l’avant. Le Président est le seul maître à bord du Mali d’aujourd’hui et ce n’est pas une mauvaise chose. Il a derrière lui une majorité hétéroclite d’acteurs aux motivations divergentes et quelques fois contradictoires. A lui de la rendre cohérente, de l’engager à s’enraciner davantage dans la société pour être solide et tenir les chocs sociaux qui ne manqueront pas. En effet, certaines reformes indispensables entraîneront des conflits comme on commence à le sentir avec les magistrats. A lui aussi de donner les espaces suffisants à l’opposition afin qu’elle puisse travailler dans les meilleures conditions et refléter les opinions du peuple. Cela permettra d’avoir un jeu institutionnel représentatif des courants de l’opinion avec des controverses organisées plutôt que des confrontations dans la rue. Au chapitre des dossiers majeurs, la question du Nord et celle du Sahel sont toujours prioritaires avec en toile de fond les enjeux sécuritaires, d’organisation et d’administration du territoire et de justice. Contrairement à l’opinion répandue, le tissu social est moins entamé qu’on ne le dit, les risques de confrontations entre les communautés devraient être circonscrits. Nous devons également concrétiser notre engagement contre la corruption et gérer la question de la citoyenneté et de la faible implication des Maliens dans les débats les concernant.
Quelles sont les pistes qui pourraient laisser espérer un un avenir meilleur pour le Mali ?
M. M. : La volonté présidentielle d’aller de l’avant est réelle et devrait se traduire concrètement sur le terrain. Il entraînera son équipe et sa majorité dans ce sens. C’est un motif d’espoir. Les reformes majeures, notamment la décentralisation et la lutte contre la corruption, devraient se traduire par des révolutions institutionnelles et judiciaires. C’est un second motif d’espoir. La sollicitude de la communauté internationale est un motif d’espoir. La prise de conscience des voisins du Mali qu’un destin commun impose une collaboration franche entre les états. C’est aussi un motif d’espoir.
Propos recueillis Par Sabine Renault-Sablonnière