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Les révolutions arabes à la lumière de l’expérience tunisienne

Personne, même les études prospectives les plus avancées, n’a prévu les soulèvements historiques qui ont eu lieu depuis la Tunisie à partir du 14 janvier, et par ricochet dans tout le monde arabe. Non seulement personne ne l’a prévu, mais personne ne l’a même imaginé. Ce qui aurait pu paraître, quelques jours auparavant, comme une utopie, comme une idée totalement insensée, s’est réalisé à une vitesse foudroyante. En fait l’action, le geste, la rébellion, la parole sont allés beaucoup plus vite que la pensée.

Cette accélération soudaine de l’histoire n’a pas seulement ébranlé les sociétés arabes en les mettant devant un fait inimaginable en soi, la chute quasi-immédiate de dictatures implantées depuis des décennies, et même des siècles sous le joug de divers occupants, mais l’Europe et, d’une manière générale, ce qu’on a coutume d’appeler les « démocraties occidentales ». En fait, le terme même de « démocratie », qui était quasi-naturellement associé à l’épithète « occidentale », se trouve désormais détaché de lui, et a émigré dans des sociétés qui lui semblaient totalement étrangères, hermétiques mêmes, et qui pourtant se sont mis à développer spontanément des comportements, des discours, des désirs, des forces qui n’ont plus rien à voir avec l’obéissance, la servitude, et la soumission religieuse, mais avec ce qui leur paraissait le plus impossible et le plus inaccessible, la liberté. Nous assistons, pour la première fois dans l’histoire contemporaine, et avec une résonance mondiale, et pas seulement régionale, à un redéploiement, une réinvention, une réappropriation inspirée de la valeur centrale de la condition de l’homme moderne : la liberté.

 

De cette situation encore impensée découle plusieurs choses :

D’abord, il n’y a plus de frontière morale, ou politique entre le « monde libre » et les autres mondes. Nous sommes face désormais soit à un élargissement infini, mondial de ce qu’on appelait il y a quelques mois le « monde libre », avec une sorte de mépris secret pour ceux qui n’en faisaient pas partie ; soit à la naissance indubitable de la pluralité des formes politiques que pourra prendre la liberté à venir dans les contrées où son irruption annonce des métamorphoses inouïes et incontrôlables. La révolution tunisienne nous a mis dans l’obligation de ne plus enfermer la liberté dans un cadre de réflexion habituel, mais au contraire de libérer nos façons de pensée, nos conceptions de la liberté elle-même. Nous sommes libres dorénavant d’imaginer la liberté, et non plus de la recevoir comme un modèle tout fait. La liberté n’est plus historiquement rattachée à une contrée culturelle ou géographique, mais elle est réellement entrée dans une dimension universelle qui n’est rien d’autre que l’œuvre de l’imagination humaine dans toute son étendue, c’est-à-dire dans son infinitude. Cette libération politique est donc le fruit de la pensée humaine dans son aptitude créatrice même, et dans sa capacité de se donner une figure collective grâce à une révolution démocratique.

 

Cet universel de la liberté désormais tangible, réel, concret, et non plus abstrait ou théorique, a comme autre conséquence directe, et remarquable, que ces peuples ne sortent pas seulement de la domination intérieure, et du despotisme que leurs dirigeants nationaux ont exercé sur eux après les Indépendances, en leur donnant le sentiment qu’ils n’étaient sortis du colonialisme extérieur que pour se retrouver prisonniers d’un colonialisme intérieur se confondant avec leur identité culturelle même, mais qu’ils se délivrent de toute espèce de domination, de la domination en tant que telle, la leur et celle des étrangers. En réalité, on peut dire que ces sociétés entrent dans une seconde indépendance, mais plus profonde et plus vraie que la première, celle qui avait succédé à la victoire sur le colonialisme. Ainsi ces peuples ne se contentent plus d’affirmer leur souveraineté nationale, mais veulent que cette souveraineté soit réellement l’expression de la volonté populaire dans sa diversité, et dans la multiplicité de ses aspirations, et se donnent des représentants qui ne soient pas seulement des pères de la nation ou usurpateurs.

 

Ainsi, nous sommes face à une situation inédite, où même les schémas de la liberté moderne, entièrement construits sur l’idée que l’origine de la liberté est occidentale, ne sont plus valables, et ne nous aident que faiblement à concevoir des modèles entièrement inconnus encore, qui appartiendront à une généalogie différente de celle que nous connaissions jusqu’ici. Il se produit en ce moment dans nos sociétés une genèse invisible de formes politiques que nous ne connaissons pas, non parce que nous ne les maîtriserons pas, mais parce qu’elles seront à la fois semblables et différentes de celles que nous connaissions sous le nom de « démocratie ». Nous découvrons que le mot démocratie, qui dans les sociétés occidentales cherche un nouveau souffle collectif que lui a fait perdre les excès de l’hyper-individualisme moderne, qui s’est usé dans la désaffection politique d’une société de consommation, qui s’est terni dans ce qu’on a appelé « l’horreur économique », est investi d’une énergie surprenante, et qu’il est devenu, à travers l’image de la jeunesse révolutionnaire, un mot jeune, un mot neuf, un mot imaginatif. La démocratie n’appartient plus aux « vieilles démocraties », au « vieux continent » comme on dit. Elle est désormais l’aimant de ce qui ressemble à une Renaissance totale comme celle qu’a connu l’Europe elle-même au 15ème et 16ème siècle.

 

Ainsi, la révolution tunisienne a donné au mot démocratie une acception immense qui touche toutes les sphères de l’existence sociale et humaine dans nos sociétés, et qui ne se limite pas seulement à la rupture d’un système politique archaïque, ou à la forme d’un gouvernement. La démocratie est désormais une manière d’être au monde, qui impose à chacun, qu’il ait ou non participé à la révolution, un bouleversement de son rapport à soi et aux autres. Il ne s’agit pas seulement de construire un nouveau système politique, et par exemple de fabriquer des règles honnêtes et justes de représentation politique, mais de la possibilité insolite de créer de nouveaux modes de relations humaines qui ne soient plus fondées soit sur les anciennes hiérarchies, soit sur les vieilles communautés, soit sur les peurs ancestrales ou métaphysiques, soit sur les réflexes de protection patriarcale. La question démocratique qui se joue ici est donc celle du sens de sa vie personnelle dans son rapport avec autrui, avec la vie collective. Elle est à la fois la montée de tendances libertaires des groupes et des personnes, et en même temps la nécessité d’un travail individuel d’autorégulation, d’autodiscipline, que la disparition d’anciens systèmes coercitifs ont laissé libres de toute référence historique. En réalité, la démocratie n’a pas chez nous de référence historique directe, mais elle doit néanmoins se doter d’une autorité instituée et reconnue par tous.

 

Ainsi, le terme de démocratie, qui est si plein de consonances modernes déjà enracinées dans la vie contemporaine, et qui semble connue d’avance, l’est en réalité moins que jamais. Elle est désormais la finalité d’une humanité qui n’a pas à proprement d’histoire démocratique en tant que telle, mais qui doit se la forger de toutes pièces, sans faire pour autant table rase de son passé. Il y a donc, dans le nouvel enjeu démocratique, la nécessité d’une nouvelle autorité qui ne s’est pas encore trouvée, et qui a montré très clairement qu’elle ne voulait pas être religieuse, même si aujourd’hui la religion veut se donner un visage démocratique. Nos démocraties nouvelles sont à la recherche de leur propre autorité, de leurs propres mythes, de leurs propres symboles, de leurs propres traditions, de leurs propres codes, de leurs propres discours, de leurs propres fondements encore informulés, en un mot d’une nouvelle culture. La démocratie est à la recherche de sa propre culture. En réalité, cette culture est en train de se fabriquer en même temps qu’elle se vit, et elle doit faire un travail iconoclaste non seulement sur les vieilles allégeances, religieuses ou politiques, mais sur les mimétismes modernes. Il ne s’agit pas de rejeter toute influence, traditionnelle ou moderne, mais d’engager un véritable travail de création à partir de ces influences mêmes. L’horizon politique qui se dessine est donc inséparable de la créativité de chacun de nous, non seulement dans la sphère politique, mais dans tous les espaces publics ou privés qui s’offrent désormais à nous. La question démocratique est donc désormais inséparable des facultés créatrices non seulement de ceux qui ont fait la révolution, mais de ceux qui l’ont reçue comme la révélation de leurs propres désirs non exprimés. C’est pourquoi la démocratie, même dans les pays où elle a développé ses traditions et ses usages, ne se résume plus à un mécanisme électoral, elle touche désormais à de multiples sphères qui débordent et conditionnent le mécanisme électoral. Elle met en œuvre de multiples savoirs et de multiples facultés inhérentes au génie de chaque peuple, et en particulier ses aptitudes créatrices dans la construction d’un idéal de soi, et sa faculté de faire de la vie politique et de la volonté du vivre-ensemble la matière même de son imagination historique. La démocratie désormais est libre de toute volonté de puissance impériale, et de toute domination extérieure ou intérieure, elle s’est séparée de sa première matrice européenne, et elle a désormais gagnée une indépendance historique qui sera nourrie de nouveaux imaginaires culturels et populaires.

 

Les démocraties modernes sont loin d’être achevées ou parfaites, et sur bien des plans, en particulier celui de la justice sociale, elles ont échoué. L’objet de ce congrès international est d’explorer, à travers les différentes disciplines des sciences humaines, l’histoire d’un nouveau cycle historique de la démocratie, qui, à travers l’extraordinaire révolution du Sud de la Méditerranée, jette de nouvelles lumières sur la crise de la démocratie occidentale, et sur l’ascension de nouveaux imaginaires démocratiques liés à la rupture révolutionnaire qui a anticipé de manière stupéfiante sur les prévisions et les idéologies de chacun. L’imaginaire démocratique est désormais libre de tout référent idéologique, religieux ou non, et c’est la vocation de ce congrès d’en saisir l’originalité.

Hélé Béji

 

Publié le 1 juin 2011 par Hélé Béji. Cette article a été publié dans Les révolutions arabes et taggé démocratie, dictature, printemps arabes, révolution tunisienne, révolutions arabes, Tunisie. Enregistrer le lien de l'article.
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