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Pascal Bruckner : “La mentalité victimaire est une perversion et non un progrès de civilisation”

Le 8 octobre, la SIDH France recevait Pascal Bruckner pour une conversation dense et parfois provocatrice autour de son dernier essai, “Je souffre donc je suis” (Grasset -2024). Pendant près d’une heure, l’écrivain-philosophe a déroulé un diagnostic acéré de ce qu’il appelle la mentalité victimaire : l’élévation de la souffrance au rang de passeport moral, et la tentation d’en faire une identité permanente.

De la victime héroïsée au héros relégué

En ouverture, Pascal Bruckner est revenu sur un épisode révélateur : la proposition, en 2015, d’attribuer la Légion d’honneur aux victimes du Bataclan, finalement écartée par la Grande Chancellerie, qui rappela que cette distinction récompensait l’action, non la passivité subie, si tragique soit-elle. Le symbole compte : “dans l’esprit du président Hollande, ceux qui avaient subi valaient plus que ceux qui avaient agi”. Selon Bruckner, l’époque a inversé l’ordre moral : la victime a supplanté le héros. L’affaire Arnaud Beltrame – d’abord qualifié “victime de son héroïsme” sur une plaque envisagée par la mairie de Paris – illustre cette confusion: on peut être victime et héros, mais l’élévation automatique du statut de victime efface le sens de l’acte.

Généalogie d’une idée “devenue folle”

Bruckner esquisse une filiation intellectuelle. Racines judéo-chrétiennes d’abord : le Christ, “victime divine”, renverse l’échelle sociale (“les derniers seront les premiers”). Puis sécularisation marxiste : le prolétariat comme classe “christique” chargée de sauver l’humanité. Enfin, mutations contemporaines : le “wokisme”, qui essentialise la condition victimaire de certaines minorités, et, en miroir, le trumpisme, “wokisme inversé” où l’Amérique se pense pillée par le monde. La rhétorique victimaire, observe-t-il, est transpartisane et mondialisée.

La souffrance comme étalon universel

Depuis l’après-guerre, une bascule s’opère. Du roman national de la Résistance on passe, à partir des années 1970-80, à la centralité du déporté dans l’imaginaire public, jusqu’à faire de la Shoah une mesure implicite de toutes les souffrances. S’ensuit une “dé-hiérarchisation” du mal: tout trauma revendiqué tend à se valoir. Le vocabulaire en témoigne: “survivant” se généralise. Et l’édition s’aligne : prolifération des “misery memoirs”, “selfies doloristes” et “littérature identitaire de la souffrance”, note le juré Goncourt, jusqu’à la lassitude.

Une société de l’instant et de l’hypersensibilité

Bruckner relie cette inflation à une anthropologie nouvelle: les Trente Glorieuses, l’essor technique, le crédit et la consommation ont accoutumé nos sociétés à la satisfaction immédiate — “vivre sans entrave” comme mot d’ordre latent depuis 68. Résultat : moindre tolérance à la frustration, “génération flocon de neige”, « safe spaces », hypersensibilité aux offenses. Dans l’édition, les avocats relisent, les manuscrits se policent : la parole se contracte, le risque s’efface.

Éducation et travail, deux terrains minés

Sur l’école, il déplore le passage de la transmission exigeante à la centralité du bien-être de l’élève, la surnotation et l’écart croissant entre programmes et niveaux réels. Les familles se replient vers le privé, signe de défiance. Sur le travail, la France cultive une ambiguïté ancienne : célébré par une partie de la gauche, maudit par une autre (“droit à la paresse”). Les réformes successives valorisent la réduction du temps travaillé plutôt que l’épanouissement par l’œuvre commune. Vision paradoxale d’une “vraie vie” qui ne commencerait qu’à la retraite.

De la réparation juste à la “compétition victimaire”

Nuance essentielle : “le souci des victimes est un progrès de civilisation.” La dérive commence lorsqu’une identité victimaire confère immunité morale et droit illimité d’accusation. Au plan international, la rhétorique victimaire devient instrumentale : Poutine justifiant l’invasion de l’Ukraine par la lutte contre un “nazisme” fantasmé, propagandes terroristes s’auto-légitimant en “opprimés”. Dans le monde anglo-saxon, la judiciarisation encourage la plainte opportuniste; en France, cette logique gagne du terrain.

Le care contre l’endurance?

Avec la montée du “care”, les vertus cardinales se déplacent : on exalte l’attention, l’empathie, la vulnérabilité, moins l’effort, l’endurance ou la persévérance. Or, sans héros et sans exemplarité, s’interroge Pascal Bruckner, qui porte le commun ? La victimisation perpétuelle décourage l’élan et déresponsabilise : si je suis blessé par essence, le monde me doit tout.

Antidote: le réel et l’épreuve de l’Histoire

Que faire? “L’antidote, c’est le réel.” Bruckner appelle à réapprendre la hiérarchie des maux, à différencier la justice due aux victimes de la tentation d’une identité victimaire totalisante. Face aux défis géopolitiques — Russie, Turquie, Chine, incertitudes américaines —, l’Europe ne peut s’offrir le luxe de la fragilité érigée en norme. Il pose une question simple et rude : “Quel monde allons-nous laisser à nos enfants — et quels enfants allons-nous laisser à notre monde?”

Une note d’espoir

La discussion s’achève sur un rappel salutaire: malgré nos déprimes hexagonales, le rayonnement français demeure puissant à l’étranger. Notre patrimoine intellectuel, littéraire et historique continue de susciter curiosité et admiration. Preuve qu’il existe un socle, à condition de ne pas le diluer dans une culture de la plainte.

En somme, Bruckner nous tend un miroir : prendre soin, oui; sacraliser la souffrance, non. Redonner sa place au courage, à la mesure, à la responsabilité personnelle et civique. Sortir du “moi souffrant” pour retrouver le “nous agissant”.

Publié le 21 octobre 2025 par Antoine de Tournemire. Cet article a été publié dans L'actualité des Droits de l'Homme. Enregistrer le lien de l'article.
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